3ème partie
L'étude en
cours de Jacques sur le Cambodge préangkorien, néanmoins, et la présentation de
nouvelles preuves et hypothèses centrées sur ce qui avait toujours été appelé
'Chenla', en particulier les royaumes des princes qui ont laissé de courtes inscriptions
sanscrites au nord et au sud des montagnes de Dangrek - Bhavavarman,
Citrasena-Mahendravarman, Vīravarman, Hiranyavarman, Candravarman. Il n’est, en
revanche, plus question du Chenla conquérant le Founan, mais de conquêtes distinctes
par les frères Bhavavarman et Mahendravarman au sud et au nord du Dangrek, à
partir du royaume de leur père Vīravarman qui s'étendait du sud de Korat à
Kratié. Bhavavarman a établi sa capitale à Sambor Prei Kuk dans le centre-nord
du Cambodge, tandis que Mahendravarman a d'abord accru son contrôle dans le
nord-est de la Thaïlande, puis a repris le royaume de son frère à la mort de ce
dernier, régnant désormais à Sambor Prei Kuk (Jacques, 1986b: 68-70).
Comme je l'ai noté plus haut, Jacques rejette
Śrutavarman et Śresthavarman. Du plus grand intérêt est l'accent mis par
Jacques dans «Le pays Khmer avant Angkor» (Jacques, 1986b) sur le constat que
les propres inscriptions de Mahendravarman n'impliquent pas d'activités
conjointes avec son frère Bhavavarman, comme l'avait supposé Coedès. Ils suggèrent
plutôt que Mahendravarman est d'abord resté avec son père, Vīravarman, quelque
part entre Sambor au bord du Mékong et Stung Treng et lui a succédé. Pendant ce
temps, Bhavavarman s’est lancé dans la conquête de son propre royaume plus au
sud et sud-ouest entre Ta Phraya et Sambor Prei Kuk, peut-être n’est-il jamais
allé vers le nord au-delà des montagnes des Dangrek, et installa sa capitale à Sambor Prei Kuk. D'autre part, pour toutes ses inscriptions avec le titre de 'Mahendravarman' présentes en Thaïlande et au Laos, Citrasena-Mahendravarman semble avoir agrandi son royaume au-delà des montagnes des Dangrek. Puis à la mort de Bhavavarman I, probablement vers 600, Mahendravarman a repris la direction de ce dernier royaume, s'installant également à Sambor Prei Kuk. L'aspect le plus significatif de la nouvelle lecture de Jacques est qu’il situe la région de résidence initiale de ces deux rois ainsi que de leur père Vīravarman à l’intérieur du Cambodge, au sud des montagnes des Dangrek.
Les nouvelles lectures de Jacques sur les
inscriptions des chefs des Dangrek impliquent une réinterprétation de
l'emplacement du Chenla et de ses relations avec le Founan. Avec le territoire
de Bhavavarman et Mahendravarman, de leur père Vīravarman, et implicitement
leur grand-père le sārvabhauma, situé dans ce qui est maintenant le Cambodge,
au sud des montagnes des Dangrek, et avec Śrutavarman et Śresthavarman rejetés
comme personnages mythiques, il n'y a plus lieu de soutenir le postulat d’un
Chenla conquérant le Founan depuis Champassak ou du nord des montagnes des Dangrek.
La description chinoise du Chenla au "sud-ouest du royaume de
« Lin-i », et donc implicitement au nord-est ou au nord du Founan n’exige
pas de le placer plus au nord du Cambodge actuel, et le texte Chinois exposant
que Īśāna [varman], fils de Citrasena, qui a établi son autorité sur le Founan,
résidait dans la ville de Īśāna [pura], le situe précisément où, selon Jacques,
son oncle Bhavavarman et son père Citrasena avaient résidé. Le texte chinois
(Ma Touan-lin, 1876: 477-83) n'implique aucun déplacement significatif du
centre du Chenla vers la fin du 6ème ou au début du 7ème siècle (Coedès, 1964:
130-3, 1968: 68-70).
En outre,
une nouvelle étude de l’inscription K506 et la découverte du K1150 (Jacques,
1986b: 79-81) ont, à présent, relié directement le roi Īśānavarman, et
implicitement ses prédécesseurs, avec la famille des fonctionnaires de Ādhyapura
du K53, qui témoigne de la continuité politique Founan-Chenla. Īśānavarman
était le père de Śivadatta, qui figure en importance dans le K54, apparemment
un autre écrit de la même famille, car selon Coedès, il est " inséparable
" du K55 enregistrant la nomination d'un gouverneur, probablement Simhadatta
mentionné dans le K53, dans leur ville Âdhyapura. Īśānavarman était aussi le
père de Bhavavarman II, annoncé comme le plus jeune frère de Śivadatta dans le
K1150, ce qui signifie que Bhavavarman, bien qu’absent de la liste des rois du
K53, était également de leur famille, et était probablement le Bhavakumāra cité
comme un participant aux actions de son frère aîné Śivadatta rapporté dans le
K54.[1]
Avec les parcours
de Bhavavarman I et Citrasena, ainsi que de leur père Vīravarman, situé définitivement
à l’intérieur du Cambodge au sud de la chaine des Dangrek, et voyant
Īśānavarman et Bhavavarman II en tant que proches parents de la famille selon
le K53 qui commença son histoire en tant qu’officiels du Rudravarman du Founan,
il est encore une fois raisonnable de supposer qu'il était l'ancêtre sārvabauma
rapporté dans les inscriptions du nord. Les «chefs des Dangrek» étaient bien
des conquérants, ou au moins des conquérants potentiels, mais pas du sud (Founan)
par le nord (Chenla), mais plutôt dans l'autre direction. Ils représentent la
première réaction de chefs cambodgiens au déclin du 'Founan' occasionné par la
modification des routes maritimes du commerce en Asie du Sud-Est; et ceci en
soi est un argument implicite contre la version d’une conquête classique.
(suite voir partie 4)
(suite voir partie 4)
[1] Bien que cela ne soit pas important
pour le présent article, il convient de noter que Jacques a inversé l’ordre
chronologique des K506 et K1150, et n'a pas porté une attention particulière à
une date mentionné dans le K506. Il y a un certain Iśvarakumāra qui se décrit comme un serviteur du roi
Īśānavarman, et dit qu'il a été nommé pour gouverner Jyesthapura, apparemment
le site de l'inscription. L'inscription mentionne une date équivalente à 637
AD, et ceci signifie que Īśānavarman devait être encore vivant à cette date.
Autre preuve que Īśvarakumāra ne prétendait pas être un souverain indépendant,
est dans son titre khmer mratāñ kloñ (Jacques, 1986b: 89), qui dans les textes
pré-Angkoriens indique toujours un fonctionnaire subalterne, bien que de très
haut rang. L'inscription K1150, quoique non datée, doit se situer un peu plus
tard, rapporte que le gouverneur de Jyest hapura est Śivadatta, qui se présente
comme un fils du roi Īśānavarman et frère aîné du mahārāja Bhavavarman, ce qui
ne peut que signifier qu’il s’agissait du règne de Bhavavarman II,
vraisemblablement après 637. Cette nouvelle révélation sur la parenté de
Bhavavarman II signifie que mon hypothèse sur ses origines séparées (Vickery,
1986) était erronée, comme l'étaient les hypothèses antérieures de Coedès,
Dupont et Jacques.