Après leur échec dans le voisinage de Oudong, les bandes
insurgées s’étaient répandues dans les provinces situées entre le Mékong et le
bras du lac, à Compong-Soai surtout où les habitants protestaient hautement
contre la suspicion en laquelle on tenait leur vieux gouverneur, qui cependant tenait
campagne pour le compte du roi à la tête d’une bonne partie de ses administrés.
Ce fut alors que le représentant du protectorat français, désireux de voir
finir une révolution qui menaçait de s’éterniser, se mit en relations avec le
gouverneur influent dont nous venons de parler, lui promit l’appui du
gouvernement français pour le faire rentrer en grâce, et le décida, enfin, à
agir contre Pucombo personnellement. Nous verrons par la suite que ce fut ce
vieux mandarin qui débarrassa le gouvernement du roi du plus terrible ennemi qu’il
n’eut jamais.
Le 23 mars, le gouverneur de la Cochinchine fit demander à
Norodom, qui l’accorda, un mandat d’administrateur de Baphnom pour le prince
Préa-keû-féa. Cette province, pivot de l’insurrection dans l’est, avait besoin
d’un personnage important et influent pour rallier les esprits et les détacher
de l’insurrection.
Dans le courant de mars, le gouvernement siamois adressait
au gouverneur de la Cochinchine une note par laquelle on déclarait que c’était
par ignorance des engagements pris par Norodom, à l’égard de la France, que la
cour de Bangkok avait conclu avec ce même souverain un arrangement un
arrangement à peu près analogue. Le roi de Siam reconnaissant la priorité de
notre contrat, retirait le sien, afin de donner au gouvernement français une
preuve de déférence et d’amitié.
En avril 1867, un officier français, quelques
sous-officiers, caporaux et clairons furent mis au service du roi du Cambodge
pour lui organiser une sorte de garde de trois ou quatre cents hommes, former
des instructeurs parmi les militaires indigènes les plus aptes, et mettre enfin
ce prince en mesure de se défendre par ses propres moyens, au lieu de toujours
compter sur nous.
Dans les premiers jours de juin, les principaux mandarins de
Baphnom écrivirent à l’amiral de la Grandière pour le remercier d’avoir bien
voulu demander l’envoi parmi eux du Préa-keû-féa, dont l’arrivée avait produit
le meilleur effet et qui déjà servait de point de ralliement pour tous ceux qui
avaient à cœur de voir cesser des désordres si préjudiciable aux intérêt
communs.
En Cochinchine, l’amiral de la Grandière s’emparait sans
coup férir, à la date des 20, 22 et 24 juin 1867, des provinces de Vinh-long,
Chaudoc et Hatien. Cette nouvelle conquête nous mettait en possession de tout
le pays communément désigné sous le nom de basse Cochinchine, et faisait cesser
cette sorte de protection accordée constamment aux ennemis de la France et du
Cambodge par les autorités annamites. La prise des citadelles de Chaudoc et
d’Hatien, où se trouvaient des dépôts d’armes et de munitions au service de
ceux qui voulaient combattre contre nous, ne fut pas le moindre coup porté à la
révolte qui allait toujours son train au Cambodge.
À la fin juin 1867, Oudong fut évacué par le détachement
français qui y tenait garnison ; il ne resta que deux cents hommes à
Phnom-Penh et deux canonnières pour parer aux éventualités qui pouvaient se
présenter.
Pucombo était personnellement revenu dans les provinces de l’Est pour tâcher de balancer l’influence du prince Prea-kêu-féa, et rappeler à lui des populations qui, jusque-là, s’étaient montrées dociles à ses volontés.
Vers la fin de juillet, il voulut tenter le sort des armes et il fut battu par le prince. Cette victoire sur les rebelles fut le signal de nombreuses soumissions; Pucombo disparut momentanément et le bruit courut qu’il s’était retiré dans le Laos.
Ces divers événements produisirent un effet moral considérable, et le Cambodge sembla rentrer dans une période d’apaisement. À Phnom-penh, en août 1867, la garnison française n’était plus que de cinquante hommes.
Les provinces du centre étaient cependant encore agitées et
pouvaient se soulever de nouveau à la première apparition de Pucombo. Le prince
Prea-kêu-féa alla prendre position dans le haut du Mécong pour être à portée de
surveiller à la fois les provinces centrales et celles de l’est qu’il avait
reconquises sur son adversaire.
Cette année 1867, pendant laquelle s’étaient déroulés tant
d’événements remarquables, reste mémorable dans le pays à cause d’une
inondation extraordinaire du Mécong, dont les eaux s’élevèrent à la fin de
Septembre à environ quatorze mètres au-dessus de l’étiage.
(fin de la 4eme partie)