Lorsque Pucombo apprit les concentrations de troupes françaises en Cochinchine pour s'opposer à lui, il s’éloigna et
trouva partout sur son passage les populations disposées à le suivre. Ce fut
alors qu’il conçut l’espoir de conquérir le royaume et de s’emparer du pouvoir
suprême.
Le 2 juillet 1866, une colonne sortie de Tayninh pour faire
une reconnaissance, fut attaquée dans une immense clairière par des bandes
cachées dans de grandes herbes. Le prétendant essaie de surprendre nos troupes en plein midi, au moment où elles viennent de faire halte.
Les feux nourris que l’on dirigea de ce côté n’ayant pas
suffi à les éloigner, on les fit charger par vingt-cinq cavaliers, le peloton de cavalerie du lieutenant Béchade. Les bandes cambodgiennes sont balayées et disparaissent dans les bois, laissant 60 cadavres sur le terrain.
Le lendemain la colonne met en déroute 300 Annamites.
Le lendemain la colonne met en déroute 300 Annamites.
Le 13 juillet, dans une autre reconnaissance, le commandant Alleyron attaque les rebelles retranchés à Ba-Vang dans des fortifications volantes qu’il n’eut pas de
peine à enlever.
Le fort de Tayninh était alors dégagé et Pucombo rejeté dans
l’intérieur du Cambodge.
À la fin de juillet, ce prétendant ne disposait pas encore
de grandes ressources. Il pouvait avoir mille Cambodgiens, trois cents
Annamites et une centaine de Chams et de sauvages Stiengs.
Le 18 août 1866, un combat sérieux s’engagea à Baphnom entre
les rebelles et les troupes royales mal
armées commandées par le Cralahom, qui obtint au début quelque avantage,
mais qui fut tué malheureusement pendant l’action. Cet incident démoralisa les
troupes royales qui se débandèrent et qu’on eut beaucoup de peine à rallier. Le
Cralahom était un homme intelligent, brave et dévoué au roi ; sa mort fut,
à ce moment, un grand malheur, car il fut remplacé par des incapables ou des
traitres, qui ne firent que de très mauvaise besogne et sur lesquels il n’était
pas possible de compter. Le gouvernement cambodgien n’avait guère d’autres
défenseurs que nous dans les provinces situées à l’est du Mécong, mais nous
devons reconnaitre qu’il faisait des efforts pour organiser la résistance dans
les parties du royaume non encore envahies.
Pucombo
menace Phnom-Penh et Oudon
Vers la fin d’août, des bandes insurgées menaçaient les provinces
du nord et Phnom-Penh. Le représentant du protectorat demanda du secours à
Saïgon, d’où l’on envoya deux canonnières portant cinquante hommes d’infanterie
commandés par un officier (250 hommes sous le commandement du chef de bataillon Brière de l’Isle). Ces
navires apportaient, en outre, des armes et des munitions destinées à armer les
recrues indigènes.
Dans le courant du mois d’aout, le prince Votha, troisième
frère de Norodom, avait quitté Bangkok pour se rendre dans une province voisine
où il avait délivré à des Siamois et à des Cambodgiens des lettres de
commandement. Peut-être avait-il conçu le projet d’aller lui-même au Cambodge
afin de voir si au milieu du désordre qui y régnait alors, il ne lui serait pas
possible de s’emparer de quelque haute position. Mais, sur la demande du consul
de France, ce prince fut rappelé à Bangkok et puni pour s’être éloigné de la
capitale sans ordre.
Depuis la prise d’Assoa, les provinces du sud-ouest étaient
redevenues à peu près tranquilles. Dans l’est, on se disposait à pousser
Pucombo vers le grand fleuve, espérant que nos canonnières, et les troupes que
le roi avait accumulées sur la rive gauche du Mécong, arrêteraient les rebelles
qui se trouveraient ainsi pris entre deux feux.
Le prince Prea-kêu-féa, interné à Saïgon, voyant les
embarras de son frère et les dangers qu’il courait, demanda à l’amiral de la
Grandière de vouloir bien s’interposer afin de faire agréer ses services.
L’amiral écrivit au roi et envoya en même temps le prince à Phnom-Penh sur un navire
français. Norodom trouva que le moment n’était pas opportun de rappeler son
frère et surtout de lui confier un commandement, dont il craignait peut-être
qu’il fit un mauvais usage, ce qui n’eût pas été impossible si nous n’avions
pas été là.
Dans le mois d’octobre, les troupes royales furent battues
par Pucombo en personne à la tête de cinq mille hommes, dont sept ou huit cents
Annamites. Cette affaire avait été engagée près de la petite colline de
Baphnom.
Dans une proclamation datée du 5 novembre, l’amiral de la
Grandière annonçait sa ferme résolution de soutenir jusqu’au bout le
gouvernement régulier du Cambodge ; il engagea les habitants à faire cause
commune avec nos troupes pour combattre un intriguant, un imposteur, qui avait
recruté ses premiers partisans parmi les Annamites, les pires ennemis des
Khmers.
Le 25 ou 26 novembre, le commandant Alleyron, de
l’infanterie de marine, quitta Tayninh et entra en campagne à la tête d’une
colonne d’un millier d’hommes français ou indigènes, à laquelle se joignit un
mandarin fidèle , nommé Soc, qui commandait dix-huit cents Cambodgiens que l’on
avait un peu équipés à l’européenne. Cet officier ne rencontra aucun obstacle
sur son chemin, l’ennemi se retirant à mesure qu’il avançait. Pucombo, talonné
de près, trouvait cependant le temps d’ameuter le peuple conte le roi et contre
nous ; il avait révoqué et expulsé les fonctionnaires royaux et en avait
nommé d’autres qui gouvernaient et percevaient les impôts en son nom et à son
profit. M. Alleyron tâchait de rétablir les autorités régulières, mais c’était
difficile, car les mandarins restés fidèles au roi avaient disparu.
Le 28 novembre, deux compagnies d’infanterie de marine
partaient de Saïgon pour Phnom-Penh avec le commandant Brière de l’Isle, qui
avait reçu l’ordre de préserver la capitale des attaques dont elle pouvait être
bientôt l’objet. Mais comme la situation empirait de plus en plus, le gouverneur
de la Cochinchine se décida à confier la direction supérieure des affaires
politiques et militaires du Cambodge à M. le colonel Reboul, commandant des
troupes en Cochinchine, qui quitta Saïgon le 17 décembre 1866. On ne pouvait
certes placer de si grands intérêts en des mains plus dignes ; et nous qui
avons vu ce sympathique officier supérieur à l’œuvre, nous avons le devoir de
lui rendre ce témoignage en passant.
Ni les troupes royales échelonnées sur le grand fleuve, ni
la croisière active des navires français, ne purent empêcher les bandes
insoumises de traverser le Mécong, et ensuite le bras du lac, et de venir
menacer le palais d’Oudong habité par la reine mère.
Elles furent battues près de là par un détachement français, qui leur infligea des pertes sérieuses.
Elles furent battues près de là par un détachement français, qui leur infligea des pertes sérieuses.
À partir de ce moment, Pucombo s’établit entre Oudong et
Phnom-Penh, en attendant le moment favorable d’attaquer l’une ou l’autre de ces
deux places.
Ce fut vers cette époque que fut brûlée la chrétienté de
Pinhalu, qui avait été le siège d’un évêché, et qui fut alors transféré à
Phnom-Penh, où elle se trouve encore.
Le chef de bataillon Domange, qui commandait à Oudon, sortit
dans les premiers jours de janvier 1867, avec une compagnie d’infanterie, et
trois ou quatre cents Malais conduits par un jeune chef de leur race ;
il tomba à l’improviste sur le quartier général de Pucombo qui faillit être pris ce jour-là. Il y eut à cet endroit un combat très meurtrier. Afin de donner à leur chef le temps de fuir, quelques centaines de forcenés se jetèrent sur nos hommes et arrêtèrent la poursuite.
Là périrent les meilleurs chefs et les meilleurs soldats de l’insurrection ; l’armée rebelle s’en trouva désorganisée et le colonel Reboul, qui se rendit le lendemain à Oudong par terre, acheva de disperser ce qui en restait.
il tomba à l’improviste sur le quartier général de Pucombo qui faillit être pris ce jour-là. Il y eut à cet endroit un combat très meurtrier. Afin de donner à leur chef le temps de fuir, quelques centaines de forcenés se jetèrent sur nos hommes et arrêtèrent la poursuite.
Là périrent les meilleurs chefs et les meilleurs soldats de l’insurrection ; l’armée rebelle s’en trouva désorganisée et le colonel Reboul, qui se rendit le lendemain à Oudong par terre, acheva de disperser ce qui en restait.
Après ces quelques échecs, les révoltés parurent ne plus
vouloir affronter la lutte avec nos soldats et ils s’éloignèrent. Comme les
marches dans un pays aussi chaud étaient mortelles pour nos hommes, on se
décida à cantonner nos troupes à Oudong et à Phnom-Penh, deux grands centres
approvisionnés de tout, en attendant les événements. Pendant ce temps, les
troupes royales harcelaient les bandes désorganisées de Pucombo, et nos
canonnières parcouraient le bras du lac, afin de leur prêter un concours moral
et effectif à l’occasion.
Le commandant Alleyron, qui était arrivé jusque sur les
bords du Mékong sans pouvoir atteindre Pucombo, reçut l’ordre de rentrer à
Tayninh, où il arriva le 21 janvier
1867.
Au mois de février, la province de Baphnom étant de nouveau
bouleversée, l’amiral de la Grandière fit connaitre au roi le dessein qu’il
avait d’autoriser le prince Prea-kêu-féa à se rendre dans cette province où il
était populaire et où il s’efforcerait de rétablir l’ordre.
Le colonel Reboul, dont la présence n’était plus nécessaire
au Cambodge, rentra à Saïgon le 1er mars 1867. Les troupes françaises
laissées dans le royaume ne se composaient plus que de deux cents hommes à
Oudong et cent à Phnom-Penh.
Malgré les embarras du moment, l’amiral de la Grandière ne
perdait pas de vue les mesures destinées à faire prévaloir dans l’avenir notre
influence dans ces contrées : c’est ainsi qu’il écrivait, à la date du 1er
mars 1867, à son représentant à Phnom-Penh de tâcher d’envoyer à Saïgon de
jeunes Cambodgiens pour être instruits gratuitement dans les écoles françaises.
(fin de la 3eme partie)