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dimanche 21 juillet 2019

1885 - L'insurrection régions de Kompong-Svay, Tbaung-Khmum, Kratié, Sambor partie 9 : défense de Kompong Cham

La bande qui avait pris Sambaur passa le fleuve le 15 janvier et le 18 se trouvait à Chaspok ; 

le 19 elle était à Prêk-Prassap. 
Le prince Votha, qui avait accompagné cette bande avant l’attaque, jusqu’à vingt kilomètres de Sambaur et que sa grandeur avait retenu sur la rive droite, était remonté au Krak où il habitait d’ordinaire. 
Le 18 février, il était à Phum-Rodey, dans la province de Poroung et le 14 mars il arrivait à Romchêk, sa résidence depuis le commencement des troubles.
A partir du 19 janvier les postes français du fleuve échangent des dizaines de dépêches souvent contradictoires sur les mouvements des insurgés ; trois cents sont signalés en face de Kauchmar et à deux kilomètres de la rive droite, six cents autres, commandés par khun vichit prum Kean, le Sangkream decho Nong et le gouverneur de Prey Veng, apparaissent sur le stung Thgnay.


Kompong-Cham s’attend à une attaque en force et se fortifie. Le résident écrit au gouverneur : « Depuis le jour où me fut signalé la présence d’une bande de 2000 hommes commandée par Siwotha à une courte distance de la Résidence et où vous m’avez envoyé comme renfort la « Framée » avec un lieutenant d’infanterie de marine et 50 tirailleurs, nous avons poussé activement l’établissement d’une défense provisoire. Aujourd’hui nous sommes prêts et je pourrai demain continuer à débroussailler de façon à porter à 200 mètres dans tous les sens le terrain découvert autour de l’emplacement que nous occupons ».
En fait, les autorités civiles et militaires françaises de Kompong Cham ne sont nullement certaines de pouvoir résister à un assaut des insurgés et, comme le montrent les documents reproduits ci-après, envisagent même que les événements pourraient les obliger à se replier sur Phnom Penh par le fleuve. Elles ignorent pratiquement tout des plans des insurgés, de leurs effectifs et de leur armement. Le résident écrit : « Deux fois le 16 et le 17 janvier, des bandes ont été signalées comme paraissant venir dans la direction de Kompong Cham, sans cependant s’approcher. Les éclaireurs chams que je tiens en permanence dans la forêt sur les différentes routes n’ont rien eu à me rapporter ».
Les Chams sont utilisés comme éclaireurs sous les ordres du balat Meas, mais les français se rendent compte que ces alliés ont une tendance fâcheuse à se consacrer avant tout au règlement de leurs querelles personnelles et à des « perquisitions » qui sont de la simple piraterie. Quand aux Khmers sous contrôle français, leurs sentiments vrais sont évidemment un mystère. Nul ne sait ce que feront les miliciens en cas d’attaque des insurgés et les mandarins civils dissimulent à peine leur hostilité.
Placé devant la résistance passive de certains fonctionnaires ou les incompréhensibles déplacement de quelques envoyés royaux, le résident ne sait quelle attitude adopter. Ainsi il assigne le chef de province, dont le zèle lui paraît « trop tiède », à bord de la canonnière « Framée » puis rend compte : « En trois jours, il n’a pu me fournir presque rien, ni buffles pour traîner les colonnes dont nous avons fait des défenses, ni travailleurs pour les terrassements, et cependant nous étions très pressés ».
D’autre part, l’administration royale semble déjà s’être dégagée des obligations imposées par le protectorat. Les Français arraisonnent sur le fleuve une embarcation montée par des Cambodgiens dont un collecteur d’impôts. Or déclare le rapport : « bien que cet individu ait une lettre de Akmaha Sena, comme cette lettre n’était pas revêtu du cachet du protectorat, ce qui doit toujours être, je fis une perquisition à bord de la jonque et trouvai15 barres d’argent, 180 piastres et 290 ligatures. Ces sommes proviennent, m’a dit Ney, l’envoyé de l’Akmaha Setta, de l’impôt de capitation prélevé dans la province de Kompong Cham ». Néanmoins est-il ajouté, « le montant total ne devait certainement pas être versé entre les mains de l’Akmaha Sena ou dans le trésor royal, car une lettre trouvée dans les papiers du collecteur prouve que l’ancien gouverneur de Kompong Cham en réclamait sa part… ! ». Très embarrassé le résident français expédie argent et mandarin collecteur au représentant du protectorat à Phnom Penh…
Le 20 janvier arrive à Kompong Cham le colonel Miramond, commandant supérieur des troupes françaises au Cambodge, chargé de prendre personnellement en main la direction des opérations contre les insurgés. Le Colonel songeait à faire une reconnaissance préalable à Vat Nokor (environ 3km du poste), mais le représentant du protectorat lui enjoindra de marcher d’urgence « à la rencontre des bandes ». Miramond se lance donc à la poursuite de Siwotha dans une région qui lui est à peu près complètement inconnue. A la tête d’une colonne de soldats français, de tirailleurs vietnamiens, de miliciens cambodgiens pas très surs, guidée par un mandarin requis et soucieux d’éviter les rencontres, enfin éclairé par des auxiliaires chams, le malheureux colonel s’épuise en marches et en contre marches. Quelques jours plus tard le gouverneur français qui ignore tout de sa situation et bien entendu de celle des insurgés de Siwotha, expédiera des messages impératifs à Kompong Cham pour rappeler que nos colonnes « ne pourront frapper des coups décisifs que si nous leur fournissons rapidement des informations »… !
Comment obtenir ces informations, il ne le disait pas évidemment pas.