Six Cambodgiens armés de fusils gras, commandés par M.
Pavie et le balat de Kratié, montés sur quatre éléphants,
partaient pour Sambaur, pendant que six pirogues emportaient MM.
Bidet, Launay, un sergent français, un sergent annamite, huit
tirailleurs et douze Cambodgiens.
L’objectif
était de gagner Sambaur, de retrouver le corps du Lieutenant
Bellanger qu’on croyait abandonner dans la rizière et de le
ramener à Kratié.
Ayant appris au Prêh-Kampi que Sambaur avait été réoccupé par
les rebelles, cette colonne mi terrestre mi fluviale redescendit à
la résidence.
Cette retraite produisit la plus mauvaise impression
dans le pays et une bande de cinquante rebelles parut à Kabal-Chnor,
à mi-route de Sambaur et de Kratié.
Le bruit se répandit aussitôt
que les rebelles allaient attaquer la résidence. Il était
indispensable de prendre une revanche de l’affaire de Sambaur.
Les
canonnières la Sagaie et l’Escopette reçurent
l’ordre de demeurer dans les eaux de Kratié.
Le 14, une colonne, placée sous les ordres du capitaine Felicité et
accompagnée du résident Renaud, quittait Kratié à 5h30 du matin
et occupait Sambaur, absolument dévasté, le lendemain matin.
Le pays était tranquille nous écrit M. Pavie (Géographie et
voyage I),la bande ayant disparu
depuis le jour même de l’affaire. Dans ce village, où j’avais,
quelques semaines auparavant, fait la connaissance du malheureux
lieutenant, nous arrivions nombreux comme pour donner plus de
solennité à ses funérailles. Il y avait une section d’infanterie
de marine, une compagnie de tirailleurs annamites et une troupe
cambodgienne avec des éléphants.
Bellanger avait été tué à vingt
pas du poste, en se jetant seul, le revolver à la main au-devant de
la bande, un coup de sabre emmanché au bout d’un long bambou, le
frappant à la ceinture, l’avait presque coupé en deux. Nous
trouvâmes son corps sous quelques pouces de terre à la place où il
était tombé, il y avait été enterré par un chinois du village
qui lui avait religieusement placé le képi sur la tête. Chose
navrante, à notre arrivée, le capitaine de la colonne avait pris ce
chinois pour un des assaillants du poste, resté en arrière, et
l’avait tué d’un coup de revolver.
L
a
tombe du lieutenant Bellanger trouvée, son corps était reconnu et
l’inhumation définitive était militairement faite le jour même,
au sud-ouest du poste, sur le bord du fleuve.
C’est cette tombe qu’on peut apercevoir du paquebot quand on
vient du Sud et qu’on arrive à Sambaur. Elle est maintenant au
nord-ouest de la maison du garde forestier, construite depuis sur
l’emplacement du fort (Monographie de la province de Kratié - 1908 - Adhémard Leclerc).
Le 14 janvier les autorités civiles et militaires françaises
semblent croire que la situation est rétablie. Or l’insurrection
ne fait que commencer.