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lundi 29 juillet 2019

1885 - L'insurrection régions de Kompong-Svay, Tbaung-Khmum, Kratié, Sambor partie 10 : Mars-juin 1885 - Les mouvements sur les rives droite et gauche.

Mars-juin 1885 - Les mouvements sur les rives droite et gauche.
14 mars, coups de feu vers la chaloupe Tonle-Sap
Le 14 mars alors que Siwotha arrivait à Romchèk, sa résidence depuis le commencement des troubles, la chaloupe Tonlé-Sap, qui amenait quelques hommes à Kratié, recevait une vingtaine de coups de feu d’un corps de quarante rebelles qui se tenaient sur la berge ; un des miliciens passagers était légèrement blessé au bras droit.
23 mars, attaque de M. Genevoix à prèk Prasap
Quelques jours plus tard, le 23 mars, un colon, M. Genevoix, ancien administrateur qui avait donné sa démission pour s’adonner au commerce du bois et qui habitait prèk-Prasap, à une heure en aval de Kratié, sur la rive droite, était vers 5 heures du matin, attaqué chez lui par une bande de 20 hommes commandés par le mékang Kèv, qui avait attaqué et pris Sambaur le 8 janvier. Il saisit son fusil de chasse à deux coups et tenta de gagner la rive du fleuve qui était à quinze mètres de sa maison ; les rebelles se jetèrent au devant de lui et l’un d’eux lui porta un coup de couteau sur l’épaule ; il le tua d’un coup de feu ; de son second coup, il abattit un autre homme. Les rebelles reculèrent, prirent la fuite, et M. Genevoix put gagner son bateau. Il rencontra le Coutelas et fut recueilli.
Avril, menaces sur Kratié
En avril le bruit se répandit de nouveau que les rebelles allaient attaquer Kratié, mais la population restait fidèle, dévouée et le résident Renaud, bien que prenant toutes les précautions d’usage, jugeait qu’il n’y avait rien à craindre et que les bandes n’oseraient jamais l’attaquer dans son poste.
Mai, plusieurs bandes occupent la rive droite
Plusieurs bandes rebelles cependant parcourent la rive droite, principalement celle de Kèv, qui, commandée par un homme résolu, était la plus redoutable. M. Bidet, commis de résidence, lancé à sa poursuite avec 30 miliciens et 30 partisans, le rencontrait le 25 mai à vingt-quatre heures de Chaspok, l’attaquait, lui tuait deux hommes, en blessait trois et le mettait en fuite et rentra à Kratié. Kèv, honteux d’avoir battu en retraite, revenait alors sur ses pas, suivait la colonne de très près et venait le 26, dans la nuit, s’établir à Chas-Pok.

Juin, coups de feu à Kratié
Le 10 juin, vers 5 heures du soir, une bande de quinze rebelles, commandée par l’Oknha Tuk, ancien gouverneur de Sambok et qui avait passé la nuit à Koulap, pénétrait hardiment dans Kratié et tirait quelques coups de feu sur les gens du gouverneur de la province qui se trouvaient à 400 mètres de la résidence.
Occupations des provinces de Kanhchor et de Chhlaung
Le même jour, une autre bande, commandée par le Bava-Réach Mau, incendiait à Chhoeuréal-Phlos, la maison d’un chinois, celle de l’ancien gouverneur de Kanhchor et s’établissait sur l’emplacement du fort élevé en 1865 par Pukombo.
Une autre bande de 100 hommes armés de vingt fusils à pierre campait à Ta-Mau, un village de la rive droite situé en face de Chhlaung et le mékang Kèv, avec quarante hommes, reparaissait à Prék-Prasap, alors qu’une autre bande, commandée par un second Kèv, forte de cent hommes, occupait tout le pays en face de Sambaur.
le commandant De Fésigny oblige le rebelle Kèv à fuir
Le 12 juin, le commandant De Fésigny attaquait le mékang Kèv avec trente hommes et l’obligeait à fuir vers l’ouest.
Le 16, le bava-réach Mau quittait Chhoeutéal-Phlos et prenait la route de Sambaur avec 150 hommes.

dimanche 21 juillet 2019

1885 - L'insurrection régions de Kompong-Svay, Tbaung-Khmum, Kratié, Sambor partie 9 : défense de Kompong Cham

La bande qui avait pris Sambaur passa le fleuve le 15 janvier et le 18 se trouvait à Chaspok ; 

le 19 elle était à Prêk-Prassap. 
Le prince Votha, qui avait accompagné cette bande avant l’attaque, jusqu’à vingt kilomètres de Sambaur et que sa grandeur avait retenu sur la rive droite, était remonté au Krak où il habitait d’ordinaire. 
Le 18 février, il était à Phum-Rodey, dans la province de Poroung et le 14 mars il arrivait à Romchêk, sa résidence depuis le commencement des troubles.
A partir du 19 janvier les postes français du fleuve échangent des dizaines de dépêches souvent contradictoires sur les mouvements des insurgés ; trois cents sont signalés en face de Kauchmar et à deux kilomètres de la rive droite, six cents autres, commandés par khun vichit prum Kean, le Sangkream decho Nong et le gouverneur de Prey Veng, apparaissent sur le stung Thgnay.


Kompong-Cham s’attend à une attaque en force et se fortifie. Le résident écrit au gouverneur : « Depuis le jour où me fut signalé la présence d’une bande de 2000 hommes commandée par Siwotha à une courte distance de la Résidence et où vous m’avez envoyé comme renfort la « Framée » avec un lieutenant d’infanterie de marine et 50 tirailleurs, nous avons poussé activement l’établissement d’une défense provisoire. Aujourd’hui nous sommes prêts et je pourrai demain continuer à débroussailler de façon à porter à 200 mètres dans tous les sens le terrain découvert autour de l’emplacement que nous occupons ».
En fait, les autorités civiles et militaires françaises de Kompong Cham ne sont nullement certaines de pouvoir résister à un assaut des insurgés et, comme le montrent les documents reproduits ci-après, envisagent même que les événements pourraient les obliger à se replier sur Phnom Penh par le fleuve. Elles ignorent pratiquement tout des plans des insurgés, de leurs effectifs et de leur armement. Le résident écrit : « Deux fois le 16 et le 17 janvier, des bandes ont été signalées comme paraissant venir dans la direction de Kompong Cham, sans cependant s’approcher. Les éclaireurs chams que je tiens en permanence dans la forêt sur les différentes routes n’ont rien eu à me rapporter ».
Les Chams sont utilisés comme éclaireurs sous les ordres du balat Meas, mais les français se rendent compte que ces alliés ont une tendance fâcheuse à se consacrer avant tout au règlement de leurs querelles personnelles et à des « perquisitions » qui sont de la simple piraterie. Quand aux Khmers sous contrôle français, leurs sentiments vrais sont évidemment un mystère. Nul ne sait ce que feront les miliciens en cas d’attaque des insurgés et les mandarins civils dissimulent à peine leur hostilité.
Placé devant la résistance passive de certains fonctionnaires ou les incompréhensibles déplacement de quelques envoyés royaux, le résident ne sait quelle attitude adopter. Ainsi il assigne le chef de province, dont le zèle lui paraît « trop tiède », à bord de la canonnière « Framée » puis rend compte : « En trois jours, il n’a pu me fournir presque rien, ni buffles pour traîner les colonnes dont nous avons fait des défenses, ni travailleurs pour les terrassements, et cependant nous étions très pressés ».
D’autre part, l’administration royale semble déjà s’être dégagée des obligations imposées par le protectorat. Les Français arraisonnent sur le fleuve une embarcation montée par des Cambodgiens dont un collecteur d’impôts. Or déclare le rapport : « bien que cet individu ait une lettre de Akmaha Sena, comme cette lettre n’était pas revêtu du cachet du protectorat, ce qui doit toujours être, je fis une perquisition à bord de la jonque et trouvai15 barres d’argent, 180 piastres et 290 ligatures. Ces sommes proviennent, m’a dit Ney, l’envoyé de l’Akmaha Setta, de l’impôt de capitation prélevé dans la province de Kompong Cham ». Néanmoins est-il ajouté, « le montant total ne devait certainement pas être versé entre les mains de l’Akmaha Sena ou dans le trésor royal, car une lettre trouvée dans les papiers du collecteur prouve que l’ancien gouverneur de Kompong Cham en réclamait sa part… ! ». Très embarrassé le résident français expédie argent et mandarin collecteur au représentant du protectorat à Phnom Penh…
Le 20 janvier arrive à Kompong Cham le colonel Miramond, commandant supérieur des troupes françaises au Cambodge, chargé de prendre personnellement en main la direction des opérations contre les insurgés. Le Colonel songeait à faire une reconnaissance préalable à Vat Nokor (environ 3km du poste), mais le représentant du protectorat lui enjoindra de marcher d’urgence « à la rencontre des bandes ». Miramond se lance donc à la poursuite de Siwotha dans une région qui lui est à peu près complètement inconnue. A la tête d’une colonne de soldats français, de tirailleurs vietnamiens, de miliciens cambodgiens pas très surs, guidée par un mandarin requis et soucieux d’éviter les rencontres, enfin éclairé par des auxiliaires chams, le malheureux colonel s’épuise en marches et en contre marches. Quelques jours plus tard le gouverneur français qui ignore tout de sa situation et bien entendu de celle des insurgés de Siwotha, expédiera des messages impératifs à Kompong Cham pour rappeler que nos colonnes « ne pourront frapper des coups décisifs que si nous leur fournissons rapidement des informations »… !
Comment obtenir ces informations, il ne le disait pas évidemment pas.


vendredi 19 juillet 2019

1885 - L'insurrection régions de Kompong-Svay, Tbaung-Khmum, Kratié, Sambor partie 8 : Réoccupation de Sambaur.


Le 11 janvier






Six Cambodgiens armés de fusils gras, commandés par M. Pavie et le balat de Kratié, montés sur quatre éléphants, partaient pour Sambaur, pendant que six pirogues emportaient MM. Bidet, Launay, un sergent français, un sergent annamite, huit tirailleurs et douze Cambodgiens.


L’objectif était de gagner Sambaur, de retrouver le corps du Lieutenant Bellanger qu’on croyait abandonner dans la rizière et de le ramener à Kratié. 

Ayant appris au Prêh-Kampi que Sambaur avait été réoccupé par les rebelles, cette colonne mi terrestre mi fluviale redescendit à la résidence. 

Cette retraite produisit la plus mauvaise impression dans le pays et une bande de cinquante rebelles parut à Kabal-Chnor, à mi-route de Sambaur et de Kratié. 
Le bruit se répandit aussitôt que les rebelles allaient attaquer la résidence. Il était indispensable de prendre une revanche de l’affaire de Sambaur. 
Les canonnières la Sagaie et l’Escopette reçurent l’ordre de demeurer dans les eaux de Kratié.



Le 14, une colonne, placée sous les ordres du capitaine Felicité et accompagnée du résident Renaud, quittait Kratié à 5h30 du matin et occupait Sambaur, absolument dévasté, le lendemain matin.
Le pays était tranquille nous écrit M. Pavie (Géographie et voyage I),la bande ayant disparu depuis le jour même de l’affaire. Dans ce village, où j’avais, quelques semaines auparavant, fait la connaissance du malheureux lieutenant, nous arrivions nombreux comme pour donner plus de solennité à ses funérailles. Il y avait une section d’infanterie de marine, une compagnie de tirailleurs annamites et une troupe cambodgienne avec des éléphants.
Bellanger avait été tué à vingt pas du poste, en se jetant seul, le revolver à la main au-devant de la bande, un coup de sabre emmanché au bout d’un long bambou, le frappant à la ceinture, l’avait presque coupé en deux. Nous trouvâmes son corps sous quelques pouces de terre à la place où il était tombé, il y avait été enterré par un chinois du village qui lui avait religieusement placé le képi sur la tête. Chose navrante, à notre arrivée, le capitaine de la colonne avait pris ce chinois pour un des assaillants du poste, resté en arrière, et l’avait tué d’un coup de revolver.
L a tombe du lieutenant Bellanger trouvée, son corps était reconnu et l’inhumation définitive était militairement faite le jour même, au sud-ouest du poste, sur le bord du fleuve.
C’est cette tombe qu’on peut apercevoir du paquebot quand on vient du Sud et qu’on arrive à Sambaur. Elle est maintenant au nord-ouest de la maison du garde forestier, construite depuis sur l’emplacement du fort (Monographie de la province de Kratié - 1908 - Adhémard Leclerc).
Le 14 janvier les autorités civiles et militaires françaises semblent croire que la situation est rétablie. Or l’insurrection ne fait que commencer.