Des
missions, dont il fit partie, furent organisées pour parcourir les
provinces troublées dans le but d'amener la soumission de ceux qui
s'étaient armés.
De
Benghi à Takéo puis Vat ponlu et Phnom Penh : échec pour
ramener le calme
Dans
le pays de Trang, au Sud de Phnom-Penh, des chefs rebelles s'étaient
retranchés dans une forêt près de Takéo, et tenaient en échec le
petit poste militaire établi dans ce centre, principal marché de la
région.
L'envoi
d’une mission de pacification y ayant été décidé, le second roi
du Cambodge chargé de la négociation, se rendit à Takèo escorté
par une compagnie d'infanterie de marine; M. Klobukowski, chef du
cabinet du gouverneur de la Cochinchine, qu'accompagnait M. Pavie,
vint l'y rejoindre.
La
majorité de la population était cambodgienne mais beaucoup de
Chinois et d'Annamites s'y mêlaient. Quoique les agglomérations
fussent nombreuses, Takèo à L'extrémité d'un affluent du Stung
Slakou, avait seul de l'importance, aussi on avait jugé utile d'y
installer un petit poste militaire, mais, malgré sa protection, les
menaces des rebelles avaient fait abandonner le village par ses
habitants.
La
mission n'obtint pas le résultat cherché. Après l’échec des
négociations, un itinéraire pour ramener la mission à Pnom-Penh
les fit parcourir, dans le but d’y maintenir tout au moins le
calme, la région entre Takèo et un point à I’Ouest nommé
Vat-Ponlu.
Sur
la rive gauche du Mékhong, de Banam à Baphnom puis Prey Veng :
nouvel échec
Banam,
centre commercial important, sur la branche du Mékhong nommée
fleuve antérieur, au confluent du dernier des cours d'eau qui,
depuis Chhlong, unissent dans le Cambodge, le Tonlé-Tauch au fleuve,
était le chef-lieu de la province dans laquelle, à Prey Veng, les
troubles avaient éclaté de la manière la plus grave. Il y avait
quelques semaines
déjà
que le pays était désorganisé, que la population était en fuite,
et que des bandes tenaient la campagne lorsque la mission, dirigée
par M. Fourès, représentant du protectorat accompagné de M. Pavie,
se mit en route pour tenter d’y rétablir la tranquillité. Il ne
fut possible d'entrer en relations ni avec les bandes ni avec les
habitants qui s'enfuyaient dès qu'on approchait. Devant cette
attitude et pour ne pas aggraver la situation, M. Fourès ramena sa
colonne à Banam après neuf jours d'absence. Quoique à celte époque
de l'année la sécheresse soit très avancée, l'inondation a
encore sa trace sur le terrain jusqu'aux approches des collines.
L'étang de Khsach Sa, en particulier, y créait un obstacle
difficile à franchir. Une passerelle provisoire en bambous y avait
été établie à l'occasion de leur passage.
La
province était très habitée surtout au bord des cours d'eau,
autour des hauteurs, et dans l'Ouest. D'épaisses forêts joignaient
le plateau de Péan-Chang aux collines de Baphnom. Une immense plaine
était cultivée en rizières dans sa partie la moins basse : le
reste était inculte à cause des proportions qu’y avait
l'inondation, et est couvert de hautes herbes où de véritables
troupeaux de cerfs, daims, chevreuils, etc., trouvent asile. La
population est cambodgienne: un grand nombre de Chinois et
d'Annamites, la plupart commerçants, s'y mêlent, installés surtout
à Prey Veng et sur le canal qui aboutit à Banam.
Prey
Veng, marché important, avait été détruit. De même, Ia plupart
des villages où ils passaient, n'étaient plus que des cendres, cet
état de désolation, joint à l'absence de toute la population, fit,
de notre infructueuse tentative d'apaisement, la plus pénible des
marches.
De
Pum-Sé à Kompong_Kiam : autre échec
Celle
course, dans la partie sud de la province de Tbaung Khmoum, où M.
Pavie accompagnait une colonne, conduite par le résident local,
organisée dans le même but que les précédentes, n'eut comme
elles, d'autre résultat que le levé de l'itinéraire qui complétait
l'étude topographique de M. Pavie, faite lors de la construction du
télégraphe. Ce dernier trajet, n'avait pas montré le pays sous un
aspect différent de celui que les précédentes marches, dans le
bassin du Vaïco oriental.
C'était la même belle plaine de rizières
parsemée de villages à laquelle succédait la forêt épaisse
garnissant les hauteurs, puis, en entrant dans le voisinage du
Mékhong, des terres basses couvertes de bambous, soumises fortement
à l'inondation et inhabitées.
De
Svai Romiet à Prey Veng : Première soumission
Ce
dernier voyage, effectué avec M. Klobukowski et le second-roi, dans
les mêmes conditions que celui de Takèo a Phnom-Penh, reliait
l'itinéraire aboutissant à Péam-Pkai-moreck à celui allant de
Banam à Prey Veng.
La
grosse affaire en quittant le Mékhong pour les terres de l'Est,
avait été de chercher l'endroit où passer son bras, le Tonlé-Tauch
dont les bords sont généralement à pic, car leur convoi était
nombreux en éléphants. La profondeur ou la largeur du cours d'eau
importait peu à ces animaux qui venaient de traverser le Mékhong
devant Phnom-Penh, mais il leur fallait, pour y entrer comme pour en
sortir, des berges en pente douce. La rivière fut lentement franchie
à Misapréachan, et l’on se trouva en trois jours, après avoir
parcouru un pays fertile et habité, dans les immenses plaines de
Prey Veng, terres basses à l'extrême qu'en temps d'inondation une
petite chaloupe à vapeur pourrait parcourir très à l'aise, et où
les villages était partout où le sol un peu relevé permettait
d’habiter.
Les
temples bouddhistes, quand ils n'avaient pas été détruits, leur
servaient de logement au cours des marches, car la saison pluvieuse
avançait et il devenait difficile de camper dans les champs. A Prey
Veng où leur séjour devait se prolonger, des installations en
paillotes avaient été construites pour la colonne qui outre la
compagnie d'infanterie de marine escortant le second roi, comptait
plusieurs centaines de Cambodgiens.
Heureusement,
le but, cette fois, put être atteint, les chefs rebelles de la rive
gauche du fleuve firent tous leur soumission. Ce fut une satisfaction
d'autant plus grande pour M. Pavie d'y avoir participé, après tant
d'échecs, que cette marche devait être sa dernière au Cambodge.
L’entrevue
avait eu lieu dans la forêt de Samrong-Preah-Chi, près de
Kompong-Pring et 6000 hommes et 22 chefs de rebelles avaient fait
leur soumission sous simple promesse de grâce.