Extrait d’Exploration chez les sauvages de l’Indochine à l’est du
Mékong, docteur Paul Neis Bulletin de la société de géographie 1883 relatif à l’exploration
de la rivière Chhlong et Sé-Sane en 1881.
…
Les besoins du service me firent envoyer prendre le poste de
médecin du pénitencier de Poulo-Condor. Mais le lieutenant Septans, bien que
très fatigué par ce voyage pendant lequel il avait souvent été éprouvé par la
fièvre des bois, résolut de continuer à explorer le pays compris entre le
Mékong et le royaume d’Annam. Il partit le 8 janvier dernier, accompagné de M.
Gauroy, sous-lieutenant d’infanterie de marine. De Phnom-Penh ils remontèrent à
pied la rive gauche du Mékong jusqu’à Péam Chelang, où le Chelong se jette dans
le Mékong. Péam Chelang est un marché habité par une population fort hétérogène :
chinois, cambodgiens, annamites et malais. Le Chelong n’étant pas navigable
pendant la saison sèche, MM. Septans et Gauroy suivirent à pied la rive droite
pendant deux kilomètres ; puis poursuivant leur route vers l’Est, ils
arrivèrent à Brelum, village cambodgien où il y a eu autrefois un missionnaire
catholique.
La rivière Tamboun, marquée d’ailleurs sous toute réserve
sur la carte de M. Dutreuil de Rhins, est inconnue des habitants de Brelum,
mais on leur signala la présence du Chelong à deux journée de marche dans le
nord. Ils atteignirent ce fleuve à Sré-thôm, mais quand ils voulurent le
remonter jusqu’à sa source, ils se heurtèrent à la mauvaise volonté du Snang ou
sous-gouverneur, qui déclare qu’on ne peut y passer faute de route. L’expédition
revient alors vers l’ouest et reconnut le Chelong en un point, à Pou-Somro.
De Pou-Somro, MM. Septans et Gauroy se dirigent vers le nord
jusqu’à la rencontre du Sé-Sane : ils traversent le bassin de la Té qui
passe à Srésmoï et va se jeter dans le Mékong en aval de Cratieh.
A Srésmoï passe une route qui vient de Cratieh, traverse les
territoires des Peunongs et des Rdé et aboutit à la province annamite de
Phuyen.
Avant d’arriver au Sé-Sane on trouve une population de
Ktohls, qui différerait entièrement, d’après MM. Septans et Gauroy, des
peuplades environnantes.
Ils atteignent le Sé-Sane à Srépoc et n’obtiennent qu’à
grand peine des porteurs pour remonter à pied le long du fleuve. Ils ne possèdent pas de passeport de Bangkok et les moindres mandarins virent d’un
très mauvais œil les Européens examiner de trop près leurs agissements et
surtout la traite des esclaves qu’ils font à peu près tous.
Ils parvinrent cependant à s’introduire chez les Teupounes,
malheureusement toutes ces peuplades sont soumises au Laos, ainsi que les
Kirayes qu’ils trouvèrent un peu plus loin. Les difficultés augmentèrent à
chaque instant et à Bane Löm un mandarin Laotien, qui séjourne dans ce grand
village, leur déclara que par ordre du vice-roi de Bassac il ne les laisserait
pas passer et il les empêcha de louer des porteurs. Ce n’est qu’avec peine que
le lieutenant Septans put en revenant seul sur ses pas ramener les Moïs
Teupounes pour porter les bagages, et les exigences de ceux-ci devinrent telles
qu’au bout de deux jours le lieutenant Septans se décida à mettre le feu à tous
ses bagages ; et n’emportant que leurs notes, leurs armes et quelques munitions,
Septans et Gauroy parviennent à travers bois à regagner le Mékong, où ils s’embarquent
à Componcon.
Trois jours après ils arrivent à Phnom-Penh. Ils avaient
reconnu les cours des rivières le Chelong etle Sé-Sane, et s’ils n’avaient pu
revenir par la côte d’Annam, en passant près des sources du Sé-Sane, comme c’était
leur projet, ils n’en avaient pas moins reconnu deux cours d’eau entièrement
inconnus jusqu’ici.