Itinéraires sur la rive gauche du Mékong levés par Auguste Pavie
1879-1885
(Mission Pavie voyage et géographie tome 1)
Etude entre le Mékhong et la limite de la Cochinchine
Cette étude comporte trois
reconnaissances joignant au Mékhong, Spéan-Kiam, le point, sur la frontière de
Cochinchine, fixé pour la jonction des lignes télégraphiques.
Depuis Chlong, où le Mékhong
commence le coude arrêté à Crauchmar, un bras nommé Tonlé Tauch (petit fleuve),
considéré comme son ancien lit, s’en détache et le suit parallèlement ayant
jusqu’en Cochinchine de nombreuses communications avec lui. À l’Est, un petit
plateau de 30 à 40 mètres de hauteur, nommé Péan Chang, étendu Nord-Sud sur une
longueur de 80 kilomètres sépare Baphnom, le bassin du Mékhong de celui du
Vaïco oriental.
À l’époque de la saison des
pluies, l’inondation du fleuve s’étend jusqu’à la base du plateau, noyant le
terrain sous plusieurs mètres d’eau, et c’est seulement à partir de cette
limite, que les chemins peuvent être parcourus à pied sec.
De Péam-Pkai-Moreck à Spéan-Kiam
63 kilomètres de levé nouveau.
À Spéan Kiam, aboutissait anciennement
le meilleur chemin de la Cochinchine vers le Mékhong. Venu de Tayninh, il était
indiqué comme la seule voie stratégique pratique dans le pays. Lors de leur
occupation du Cambodge et de leurs guerres avec le Siam, les Annamites avaient
tracé plusieurs voies unissant Spéan-Kiam au Mékhong, un fort, établi au centre
de la région, à Pô Prahan, était destiné à assurer la sécurité à ceux qui les
parcouraient.
Plus récemment, en 1867, pendant les troubles suscités au
Cambodge par le rebelle Pou Combo, ce chef avait établi des retranchements à
Spéan Kiam pour arrêter la marche des troupes françaises venant de Cochinchine.
Le capitaine Peyrusset, en 1879, cherchant un tracé possible pour un chemin de
fer, avait parcouru un itinéraire ayant des points communs avec l’une de ces
voies.

Le premier chemin que je visitai
dans la région, était un de ceux que les Annamites avaient tracé. Il va de
Spéan Kiam à Péam-pkai-moreck, confluent d’un des canaux unissant le Tonlé
Tauch au Mékhong. Ayant parcouru ce cours d’eau, je m’étais trouvé, aussitôt
après avoir mis pied à terre, sur la pente du plateau dont la base rocheuse se
voit dès les premiers pas.
Une forêt épaisse, vigoureuse et
productive, en couvre la partie élevée, une vaste plaine de rizières, comptant
de nombreux villages, lui succède, c’est la très pittoresque région des sources
du Vaïco oriental. Le pays, peuplé par des Kiams et des Khmers, s’étend vers l’Est
jusqu’à une autre série de hauteurs au-delà de laquelle se rencontrent des
populations dites : Penongs, à demi sauvages.
A mi-route, à Prey-Nokor, une
grande enceinte, dont les murs de terre ont cinq mètre de hauteur, marque la
place d’une ancienne résidence royale Kiam.
Spéan Kiam (pont des Kiams),
aujourd’hui désert, est au bord d’une des principales sources du Vaïco
oriental.
De Spéan Kiam à Crauchmar
80 kilomètres de levé nouveau
Le terrain entre Spéan Kiam et le
Mékhong offrant le moins de difficultés dans son parcours, était, d’après les
indigènes, celui au Nord vers Crauchmar. Les Annamites y avaient tracé une voie
directe sur laquelle, outre le chemin dont il vient d’être parlé, se greffaient
trois autres voies conduisant à Kompong-Kiam, Péan-Chilang et Chlong sur le
Mékhong.
La route de Crauchmar longe, à
peu de distance, les hauteurs qui limitent à l’Est le bassin du Vaïco oriental ;
l’inondation produite par les sources de ce fleuve ne noie que légèrement le
terrain qu’elle parcourt, et les forêts qu’elle traverse ont peu d’étendue et
ne constituent pas d’obstacles sérieux aux communications.
Au centre du pays, près de la
jonction des chemins vers Kompong-Kiam et Chlong, les Annamites avaient
construit la fortification de Pô Prahan dont j’ai parlé plus haut.
Dès qu’on sort du plateau pour
rentrer dans le bassin du Mékhong, on trouve sur un terrain presque partout
couvert de cinq mètres d’eau lors du maximum de l’inondation du fleuve et qu’on
ne peut parcourir qu’en barque, pendant la saison des pluies.
Il y avait autrefois beaucoup d’Annamites
établis dans ce canton ; ils s’en sont peu à peu retirés : actuellement
la majorité des habitants est Kiam, le reste est composé de Cambodgiens et de
Chinois.
De Rocca Papram à Péam Chilang
16 kilomètres de levé nouveau
Le chemin vers Péam Chilang part
d’un peu au-dessus du village de Rocca Papram ; le pays qu’il visite donne
lieu aux mêmes remarques faites pour le précédent.
Rives du Mékhong de Phnom Penh à
Sambor
En vue de la construction du télégraphe
le long du fleuve de Phnom-Penh jusqu’à Sambor, je dus procéder à un examen
rapide de ses rives déjà bien connues. Très habitées ainsi que les îles,
surtout jusqu’à Kratié, elles comptent dans la partie la plus riche du
Cambodge.
Cette course me montra la rive droite plutôt pratique, jusqu’à
Crauchmar, pour l’installation que j’avais à faire, et la rive gauche
préférable depuis ce centre jusqu’à Sambor, non seulement parce que les berges
sont plus favorables dasn ces parties, mais aussi parce que les lieux
importants, qu’il fallait desservir, y sont établis.